PAROLES 

 



 Avec ces "paroles" le Prince du Liban nous invite à partager sa quête d'absolu et de Vérité.


Nous pouvons découvrir Gibran rebelle, Gibran exilé et malheureux, Gibran révolté, parfois torturé et désespéré ; 

mais toujours Gibran le magicien, le Poète éperdu, le Maître incontesté et contesté...


 Laissons-nous emporter au delà de sa vie, en essayant de rejoindre, pour un court moment, son esprit ailé...


                                                                                                                                                                              Gabrielle Ségui



"Lorsque tu atteindras le coeur de la vie, tu trouveras la beauté en toutes chose"

 

 

 DES ESPRITS REBELLES



Devant le trône de la Liberté, les arbres se réjouissent de la brise folâtre et goûtent aux rais du soleil et aux rayons de la lune. Dans les oreilles de le Liberté ces oiseaux murmurent et ils volètent autour de la Liberté près des ruisseaux. Dans le ciel de la Liberté ces fleurs exhalent leur parfum et devant les yeux de la Liberté elles sourient quand vient le jour.


 

 Tout sur terre vit selon la loi de la nature, et de cette loi jaillit la gloire et la joie de la Liberté. Mais ce bonheur est refusé à l’homme car il a édicté pour l’âme donnée par Dieu une loi terrestre et limitée de sa propre invention. Il s’est imposé de strictes règles. L’homme a construit une étroite et pénible prison dans laquelle il a enfermé ses affections et ses désirs. Il a creusé une profonde tombe dans laquelle il a enseveli son coeur et sa résolution.


 

Lorsqu’un individu obéissant aux ordres de son âme, déclare se retirer de la société et viole la loi, ses semblables le traitent de rebelle qui ne mérite que l’exil, ou de créature infâme qu’il faut exécuter. L’homme demeurera-t-il esclave de sa propre réclusion jusqu’à la fin du monde ? Ou se libérera-t-il au fil du temps pour vivre dans l’esprit de l’Esprit ? L’homme insistera-t-il pour regarder vers la Terre, en bas derrière lui ? Ou lèvera-t-il les yeux vers le soleil pour de ne pas voir l’ombre de son corps parmi les crânes et les épines?


 

« L’herbe se nourrit des éléments de la terre, le mouton mange l’herbe, le loup fait du mouton son repas, et le taureau tue le loup tandis que le lion dévore le taureau; et pourtant la Mort réclame le lion. Y a-t-il un pouvoir qui puisse saisir dans ses mains tous les éléments de la vie et les étreindre avec joie tout comme la mer ensevelit joyeusement toutes les rivières dans ses profondeurs ? »


 

 Dieu n’aime pas être adoré par un ignorant qui imite quelqu’un d’autre.


 

 « Les croyances et les enseignements qui rendent l’homme malheureux sont vains, et fausse est la bonté qui le conduit au chagrin et au désespoir. Le Destin de l’homme est d’être heureux sur cette terre, d’ouvrir la voie vers le bonheur et de prêcher la bonne nouvelle où qu’il aille. Celui qui ne voit pas le Royaume des Cieux dans cette vie ne le trouvera pas dans la vie future.


 

Ce n’est pas l’exil qui nous a conduits dans cette vie. Nous y sommes venus en innocentes créatures de Dieu pour apprendre comment adorer l’Esprit Saint éternel et chercher dans la beauté de la vie les secrets qui sont cachés en nous. »


 

 Ne soyez-pas cléments, soyez justes. La clémence est destinée à un criminel coupable. Un innocent n’a besoin que de justice.


 

 Entre le sévère regard du tigre et le sourire du loup, le troupeau est en péril. Le souverain se déclare le maître de la loi et le prêtre le représentant de Dieu. Et entre eux deux, les corps sont broyés et les âmes réduites à rien.


 

 La sympathie qui touche le coeur du voisin est plus essentielle que la vertu cachée dans les coins invisibles du couvent. Un mot de compassion adressé au faible criminel ou à la prostituée est plus noble que la longue et vide prière que nous répétons chaque jour au temple.


 

 La vérité est comme les étoiles : elle n’apparaît que dans l’obscurité de la nuit. La vérité est comme toutes les belles choses de ce monde : elle ne révèle son attrait qu’à ceux qui ont senti d’abord l’influence du mensonge. La vérité est une profonde bienveillance qui nous apprend à être satisfaits de notre existence quotidienne et à partager le même bonheur avec les autres.

 

 


 "La terre est ma patrie, l'humanité est ma famille"



AUTRES PAROLES DU MAÎTRE


 

Oui, je suis un fanatique, et je penche autant vers la destruction que vers la construction. Je hais au fond de moi ce que sanctifient mes détracteurs, et j’aime ce qu’ils rejettent. Si je pouvais arracher du peuple certaines coutumes, certaines croyances et certaines traditions, je le ferais sans hésiter. Quand ils ont déclaré que mes livres étaient empoisonnés, ils disaient la vérité en ce qui les concerne, parce que mes écrits sont un poison pour eux. Mais ils ont menti lorsqu’ils ont déclaré que j’enveloppais mon poison de miel, car je l’applique dans toute sa force et je le fais couler d’un verre transparent.


 Ceux qui me traitent d’idéaliste perdu dans les nuages sont ceux-là même qui se détournent du verre transparent qu’ils appellent «poison», sachant que leur estomac ne pourrait pas le digérer.


 Nous vivons à une époque où les hommes les plus humbles deviennent plus grands que les plus grands hommes des âges précédents. Ce qui préoccupait nos esprits jadis est sans conséquence aujourd’hui. Le voile de l’indifférence le recouvre. Les beaux rêves qui hantaient notre conscience se sont dispersés comme un brouillard. À leur place, des géants se déplacent comme une tempête, font rage comme les océans et soufflent comme des volcans.


 Quel destin apporteront-ils au monde à la fin de leurs combats ?


 Quel sera le destin de votre pays et du mien ? Quel géant va s’emparer des montagnes et des vallées qui nous ont produits, qui nous ont soutenus et qui nous ont fait hommes et femmes à la face du soleil ?


Qui de vous ne réfléchit jour et nuit au destin du monde sous la férule de géants enivrés par les larmes des veuves et des orphelins ?


La volonté de l’homme est une ombre flottante qu’il conçoit dans l’esprit, et les droits de l’humanité passent et périssent comme les feuilles d’automne.


 J’ai entendu le ruisseau se lamenter comme une veuve pleurant son enfant mort et je lui ai demandé : « Pourquoi pleures-tu, mon pur ruisseau ? ».


Et le ruisseau répondit: « Parce que je suis contraint d’aller à la ville où l’Homme me méprise, me rejette pour des boissons plus fortes, se sert de moi pour nettoyer ses crasses, pollue ma pureté et change en saleté ma bonne apparence. »


Et j’ai entendu gémir les oiseaux et j’ai demandé : « pourquoi pleurez-vous , mes beaux oiseaux ? »


L’un d’eux vola vers moi, se pencha au sommet d’une branche et dit : « Les fils d’Adam viendront bientôt dans ce champ avec leurs armes de mort, et ils vont nous faire la guerre comme si nous étions leurs plus mortels ennemis. En ce moment, nous prenons congé les uns des autres, car nous ignorons qui d’entre nous échappera à la colère des hommes. La mort nous suit partout où nous allons. »


Alors, le soleil monta derrière le sommet des montagnes et orna de guirlandes la cime des arbres. Je contemplai toute cette beauté et me demandai:«Pourquoi l’Homme doit-il détruire ce que la nature a bâti?»



 Tout autour de moi, il y a des nains qui voient se dresser des géants, et ces nains coassent comme des grenouilles :


« Le monde est retourné à la sauvagerie. Ce qu’ont créé la science et l’éducation est détruit par les nouveaux primitifs. Nous sommes redevenus des hommes préhistoriques des cavernes. Rien ne nous distingue d’eux sinon nos machines de destruction et nos techniques de massacre améliorées. »


 La Vie sans révolte, c’est comme les saisons sans le printemps. Et la Révolte sans le Droit, c’est comme le Printemps dans un désert aride... La Vie, la Révolte et le Droit sont une trinité qui ne peut être changée ni séparée.


 Ne soyez pas comme celui qui est assis à coté du feu, le regarde s’éteindre et souffle ensuite en vain sur des cendres mortes. N’abandonnez pas l’espérance, ne vous laissez pas aller au désespoir à cause de ce qui s’est passé, car se lamenter sur l’irréparable est la pire des faiblesses humaines.


 L’érudit qui manque de jugement est comme un soldat qui va à la bataille sans armes. Son courroux empoisonnera la pure source de vie de sa communauté, et il sera comme un grain d’aloès dans une carafe d’eau claire.


 L’esprit qui demeure en chaque être se manifeste par les regards, la contenance et par tous les gestes et les mouvements du corps. Notre aspect, nos paroles et nos actes ne sont jamais plus grands que nous. Car l’âme est notre demeure, nos yeux ses fenêtres et nos paroles ses messagers.


 Cet acte qu’aujourd’hui, dans notre culpabilité, nous appelons faiblesse apparaîtra demain comme un chaînon essentiel dans la chaîne complète de l’Homme.


 La perplexité est le commencement de la connaissance.


 La poésie, mon cher ami, est l’incarnation sacré d’un sourire. La poésie est un soupir qui s’installe dans l’âme, dont le coeur est la nourriture et le vin l’affection. La poésie qui ne se présente pas sous cette forme est un faux Messie.


 Une grande vérité qui dépasse la Nature ne se transmet pas d’un être à un autre par la voie du discours humain. La Vérité choisit le Silence pour transmettre son message aux âmes aimantes.


 Le paradis n’est pas dans le repentir. Le paradis est dans un coeur pur.


 Tenez-moi à l’écart de la sagesse qui ne pleure pas, de la philosophie qui ne rit pas et de la grandeur qui ne s’incline pas devant les enfants.


"Jugement"par Khalil Gibran"


 Des MIROIRS DE L’ÂME


 

 Au Moyen-Orient, il existe aujourd’hui deux courants d’idées qui se défient: les vieilles et les nouvelles.

 


 Les vieilles idées disparaîtront parce qu’elles sont faibles et sans contenu. Au Moyen-Orient se produit un renouveau qui défie l’assoupissement. Ce renouveau vaincra parce que le soleil est son guide et l’aube son armée. À l’horizon du Moyen-Orient, le renouveau se lève, il grandit, il s’étend. Il atteint toutes les âmes sensibles et intelligentes et les entraîne dans son tourbillon. Il pénètre les coeurs nobles et force leur sympathie.

 


 Aujourd’hui, le Moyen-Orient a deux maîtres: l’un décide, ordonne, se fait obéir. Mais il est au seuil de la mort. Mais l’autre reste silencieux, se conforme à la loi et à l’ordre, et il attend calmement l’avènement de la justice. C’est un géant puissant qui connaît sa force, qui est confiant dans son existence et croit à son destin.



L’art est un pas qui va du connu visible vers l’inconnu.

 


 Mon âme est mon conseil, et elle m’a appris à prêter l’oreille aux voix que la langue ne crée pas et que la gorge n’exprime pas.

 


 Avant que mon âme devienne mon conseil, j’avais l’esprit obtus et l’ouïe faible. Je ne réagissais qu’au tumulte et aux cris. Mais maintenant, je puis écouter le silence avec sérénité, et dans le silence, j’entends les hymnes des temps qui chantent leurs exaltations vers le ciel et qui révèlent les secrets de l’éternité.



 l’Enfer n’est pas dans la torture. L’enfer est dans un coeur vide.

 


L‘étude nourrit la semence, mais elle ne la fabrique pas.

 


 J’utilise la haine comme une arme pour me défendre. Si j’avais été fort, je n’aurais jamais eu besoin d’une telle arme.

 


 Les gens disent que je suis l’ennemi des lois justes, des liens de la famille et des vieilles traditions. Ces gens disent vrai. Je n’aime pas les lois faites par l’homme... J’aime la tendresse sacrée et spirituelle qui devrait être la source de toute loi sur la terre, car la gentillesse est l’ombre de Dieu à l’intérieur de l’homme.

 


 Il existe parmi les gens des meurtriers qui n’ont jamais commis de meurtre, des voleurs qui n’ont jamais volé et des menteurs qui n’ont jamais dit que la vérité.

 


 La sagesse n’est pas dans les mots. La sagesse est dans le sens qu’ils contiennent.

 


 La perfection n’est pas pour une âme pure. Il peut y avoir de la vertu dans le péché.

 


 La grandeur ne se trouve pas dans une belle situation. La grandeur est pour celui qui la refuse.



"Gibran peint Aurores"


 DES PARABOLES DE GIBRAN



 Lorsque je commençais à dessiner et à peindre, je ne me suis pas dit: « Vois, Khalil Gibran ! Tu as devant toi toutes sortes de systèmes artistiques : le classique, le moderne , l’impressionnisme, le symbolisme et d’autres encore. Choisis l’un d’eux. » Je n’ai rien fait de pareil. J’ai simplement découvert que ma plume et mon pinceau se souvenaient d’eux-mêmes de mes pensées, de mes émotions, et de mes fantasmes.


Certains croient que l’art consiste à imiter simplement la nature. Mais la nature est bien trop grande et bien trop subtile pour pouvoir être imitée avec succès. Aucun artiste ne pourrait reproduire la moindre des étonnantes et miraculeuses créations de la nature. De plus, quel intérêt y aurait-il à imiter la Nature alors qu’elle est tellement ouverte et accessible à tous ceux qui peuvent voir et entendre ?


 Le propre de l’art, c’est plutôt de comprendre la Nature et d’en révéler la signification à ceux qui sont incapables de la comprendre. C’est de dégager l’âme d’un arbre plutôt que de reproduire une fructueuse ressemblance. C’est de révéler la conscience de la mer, non de reproduire des tas de vagues écumantes ou un océan d’eau bleue. La mission de l’art est de tirer des choses les plus familières ce qui n’est pas familier.



 Ayez pitié de l’oeil qui ne voit dans le soleil qu’un calorifère pour le réchauffer et une torche pour éclairer son chemin entre son domicile et son bureau. C’est un oeil aveugle, même s’il peut distinguer une mouche à mille de distance. Ayez pitié de l’oreille qui n’entend , dans le chant du rossignol, qu’une succession de notes. C’est une oreille sourde, même si elle est capable d’entendre marcher les fourmis dans leurs labyrinthes souterrains.


 N’est-il pas vrai que chaque fois que nous dessinons la Beauté nous faisons un pas de plus vers elle ? Et chaque fois que nous écrivons la Vérité, nous ne faisons qu’un avec elle ? Ou proposez-vous de museler les poètes et les artistes ? L’expression de soi n’est-elle pas un besoin profondément ancré dans l’âme humaine ?


Est-ce vraiment Dieu qui a créé l’homme, ou est-ce l’inverse ? L’imagination est le seul créateur, et sa manifestation la plus proche et la plus claire est l’art. Oui, l’art, c’est la vie, et la vie c’est l’art. En comparaison, tout le reste est vide et futile.


 La beauté est cette harmonie entre la joie et la tristesse qui commence dans notre Saint des Saints et finit hors de portée de notre imagination.


 Dans la volonté de l’homme il y a un pouvoir de désir ardent qui transforme en soleil le brouillard qui est en nous.


 La plupart de religions parlent de Dieu au masculin. Pour moi, il est autant une Mère qu’un père. Il est le père et la mère en une personne; et la Femme est la Déesse-Mère. On peut rejoindre le Dieu-Père par l’esprit ou l’imagination. Mais la Déesse-Mère ne peut être atteinte que par le coeur, et par l’Amour. Et l’Amour est ce vin sacré que les dieux distillent dans leurs coeurs pour le verser dans le coeur des hommes.


Les femmes ont ouvert les fenêtres de mes yeux et les portes de mon esprit. S’il n’y avait eu la femme-mère, la femme soeur, la femme-amante, j’aurai dormi parmi ceux qui troublent la tranquillité du monde par leurs ronflements.


 La folie est le premier pas vers l’altruisme. Soyez fou, et dites-nous ce qui se cache derrière le voile d’un esprit sain. Le but de la vie est de nous rapprocher de ces secrets, et la folie en est le seul moyen.


 Sûrement, vous avez assez prié pour le reste de vos jours, et c’est pourquoi vous n’entrerez pas en adorateur dans une église, car ce n’est pas là que vous trouverez le Jésus que vous aimez tant. Il existe de nombreux endroits où l’on peut adorer la divinité, mais peu nombreux sont ceux qui l’adorent en esprit et en vérité.



"Un auto-portrait"



"GIBRAN - PAROLES"



Le souvenir est un obstacle sur le chemin de l’espoir.


Le sentiment qui s’affaiblit devient une pensée.


 Les corps sont aux âmes ce que les cendres sont au feu.


La passion est la moitié de la vie comme l’ennui est la moitié de la mort.


Le Fort s’épanouit dans la solitude mais le faible y périt et y meurt.


Je n’ai jamais monté une côte difficile sans atteindre une plaine verte.


L’amour est un bonheur qui tremble.


Craindre le diable est, en quelque sorte douter de Dieu.


J’ai semé mes douleurs au champs de l’endurance, des joies y ont poussées.


J’ai découvert la magie de la mer après une longue méditation devant les gouttelettes de la rosée.


Être outrageusement fardé, c’est avouer sa laideur.


L’ambition est une forme de travail.


Les longues veillées nous rapprochent des étoiles.


Que je suis loin des êtres humains lorsque je suis parmi eux ! Et qu’ils sont proches de moi quand je suis loin d’eux !


Les rapaces ne se mangent pas entre eux.


Sois patient, car la perplexité est l’origine du savoir.


 La poésie est un éclair et la versification un ordre dans les mots. Il n’est donc pas étrange que la préférence des hommes va à l’ordre qui est à leur portée plutôt qu’à l’éclair qui lui, est loin dans l’espace.


 Le papillon continuera à voler et à se déplacer dans les champs, et la rosée brillera toujours entre les herbes. Même après que les pyramides d’Egypte se soient effacées, et lorsque les tours de New-York n’existeront plus.




"Les chants et les silences de la nuit sont les fenêtres"



 Nous ne pouvons, ni ne pourrons atteindre les sommets éclairés sans traverser les profondeurs obscures.


 L’éloquence est la tromperie de la langue pour l’oreille mais l’art de persuader consiste dans la transmission d’un coeur à un autre.


 Qui pourrait se séparer de sa mélancolie et de sa solitude sans souffrir au fond de son coeur ?


 Je respecte celui qui me révèle son idée, j’estime celui qui me confie ses rêves, mais je reste intimidé par celui qui lave mes vêtements alors qu’il a plus de convenance que moi et qui prépare ma nourriture alors que je suis moins utile que lui.


 Aimez-vous les uns les autres, mais ne ligotez pas l’Amour avec des cordes. Que l’Amour soit une mer houleuse entre les rives de vos âmes.


Il est quand même chose étrange : nous craignons la mort alors que nous désirons le sommeil avec tous les beaux rêves qu’ils nous apporte.


 Ils me disent: « Le meilleur, en toute chose, est le plus juste milieu ». Mais qui, parmi nous, voudrait être tiède entre chaud et froid, agonisant entre vie et mort, gélatineux entre liquide et solide ?


 La poésie est un secret dans l’âme. Comment le divulguer par des paroles? La poésie est la perception des absolus. Comment expliquer à celui qui ne peut percevoir que les choses concrètes ? La poésie est une flamme dans le coeur alors que l’argumentation est un rapiéçage de glace. Voyons ! qui pourrait concilier la flamme et la glace ? !


Le chagrin de l’Amour chante, celui du savoir parle, celui des désirs chuchote, et celui de la pauvreté pleure. Mais il existe un chagrin plus profond que l’Amour, plus noble que le savoir, plus fort que les désirs et plus amer que la pauvreté. Ce chagrin n’a pas de voix. Il est muet, mais ses yeux brillent tels des étoiles.


 Certains hommes écoutent avec leurs oreilles, d’autres avec leurs ventres, quelques uns avec leurs poches et d’autres n’écoutent jamais.


Les âmes de certaines personnes ressemblent à des éponges. Tu ne peux en extraire que ce qu’elles ont absorbé de toi.


 Ils disent que dans le silence il y a le consentement. Certes, mais dans le silence, il y a aussi la négation, la rébellion, et le mépris.


La perle n’est que la vue de la mer dans le coquillage. Comme le diamant n’est que la vue du temps dans le carbone.


 Voyons ! Est-ce que le chant de la mer s’évanouit sur ses rives ou dans le coeur de ceux qui y prêtent l’oreille ?


 J’avais écrit sur ma porte : « Laisse tes traditions dehors et entre! » Depuis, personne n’est venu me rendre visite.


 Il est bizarre que ma vertu ne m’ait attiré que des ennuis alors que le mal ne m’ait jamais atteint. Pourtant je reste, plus que jamais, passionné par la vertu.


 Le poète véritable est l’auteur d’un poème qui, une fois lu, te donne l’impression que son plus beau vers n’a pas encore été composé.


 L’Amour est un éveil qui réunit la vie et la mort pour en inventer un rêve plus étrange que la vie et plus profond que la mort.


L’Amour qui réunit le coeur de l’homme et celui de la femme est une chose qui échappe à la volonté de l’un et de l’autre.


L’Amour est le repos du corps dans le silence de la tombe et la paix de l’esprit dans les profondeurs de l’éternité



"Gibran peint Sapho"



 Pourquoi j’aime la solitude ? Pour ne pas voir les visages des hommes qui vendent leurs âmes et, avec leur prix, achètent ce qui leur est inférieur en valeur et en dignité.


 La vérité de la musique est dans ce frisson qui persiste dans tes oreilles après que le chanteur s’arrête et que le musicien cesse de gratter ses cordes.


Si les hommes comprenaient ce que dit le silence, ils seraient plus proches des dieux que des oiseaux de proie.


 J’aime la mort. Elle me sauve des êtres humains qui me prennent pour un étranger parce que je traduis en leur langage, ce que j’entends des anges.


La paix, c’est cette force silencieuse qui dévoile l’essence de l’être humain, déterminée et cachée au plus profond de lui.


 L’arbre, s’il pousse dans une caverne, ne donne jamais de fruits. Jamais le rossignol ne construit son nid dans une cage, de peur que sa progéniture ne reçoive l’esclavage en héritage.


Celui qui croit que l’adoration est une fenêtre qu’il peut ouvrir et fermer à sa guise, n’a pas encore atteint les fenêtres du temple de son âme qui, elles, sont béantes de l’aube à l’aube.


 À chaque fois que je viens à la fontaine étancher ma soif, je découvre que l’eau qui y coule a soif aussi. Alors, elle me boit comme je l’ai bue.


 Celui qui ne voit pas les anges et les démons dans les laideurs et les beautés de la vie, reste avec un coeur éloigné de la connaissance et l’âme vide de sentiments.


 De grâce éloignez-moi de celui qui dit:« Je suis comme la bougie, je me consume pour éclairer les autres » et rapprochez-moi de celui qui se sent perpétuellement éclairé par les lumières des autres.


 La femme stérile est repoussée partout où elle va. Parce que l’égoïsme de la plupart des hommes leur fait croire que la vie se perpétue dans le corps des enfants, ils cherchent alors à procréer pour s’éterniser sur terre.


L’âme qui a observé l’ombre de Dieu une seule fois ne craint plus les fantômes et les démons. L’oeil embelli par un seul regard pour le royaume des cieux ne saurait être refermé par les douleurs de ce bas monde.


 Les âmes de certaines personnes ressemblent aux âmes noires suspendues sur les murs de l’école, les jours y écrivent quelques indices, quelques règles et quelques exemples très vite effacés par un simple coup de chiffon.


 Ils sont nombreux à parler comme la mer alors que leurs vies sont semblables à des marécages.


Ils sont nombreux à dresser leur têtes sur les sommets des montagnes. Pourtant, leurs âmes sommeillent dans l’obscurité des cavernes.


 Le mot «mère » se cache dans nos coeurs comme le noyau se cache au coeur de la terre. Il quitte nos lèvres dans les moments de joie et de tristesse, comme le parfum se dégage du coeur de la fleur pour s’élever dans un espace clair et pluvieux.


 Nombreux, sont ceux qui abritent en eux les fantômes de leurs ancêtres. Semblables aux cavernes des vallées, ils renvoient les échos des voix sans en comprendre le sens.


L’âme triste trouve le repos dans la solitude et dans l’isolement. Alors, elle fuit les hommes comme la gazelle blessée qui s’éloigne de son troupeau et se cache dans sa caverne jusqu’à ce qu’elle guérisse ou qu’elle meurt.


 Tu peux écraser une fleur sous tes pieds. Pourtant, jamais tu ne pourras lui dérober son parfum.




 

Images

Un Auto-portrait de khalil Gibran

Calligraphies d'Hassan Massoudy 

"Oeuvres de Khlalil Gibran"

Calligraphie de Lassaâd Métoui 

( choix de textes )